À quoi sert la levure dans la bière ?
Suite de notre série d’articles sur les matières premières servant à fabriquer la bière, leur utilité et l’impact qu’elles ont sur votre boisson favorite. Notre invitée du jour a beau agir en dernier lors du processus de brassage, l’omettre garantirait un produit bien différent. On vous présente donc : la levure !
De l’éthanol et des bulles
La levure est un organisme unicellulaire vivant, appartenant à la même famille que les champignons. La levure ? Disons plutôt les levures, car il en existe de nombreux genres. D’ailleurs, le terme “levure” n’a aucune signification dans le monde scientifique ; il s’agit d’un nom commun apparu pour désigner un élément qui faisait… lever le pain, tout simplement ! C’est notre bon vieux Louis Pasteur national qui, au XIXème siècle, a expliqué ce principe de fermentation et l’importance de ces micro-organismes dans le processus. Pour la petite histoire, Pasteur s’intéressait plutôt au vin, mais à la suite de la défaite de Napoléon III face à la Prusse en 1870, il s’est mis en tête d’aider les brasseries françaises à fabriquer de meilleures bières que leurs voisines d'outre-Rhin !
Alors, comment elle fonctionne, cette fermentation ? Tout commence avec le sucre, dont les levures raffolent autant qu’un marathonien au 37ème kilomètre. Dans la bière, le sucre provient des céréales maltées, qu’on a chauffées pour activer les enzymes qui découpent l’amidon. Une fois le liquide sucré, qu’on appelle le moût, filtré et séparé des résidus de malt, il est refroidi puis ensemencé avec des levures. Celles-ci consomment les sucres, se multiplient, puis rejettent de l’éthanol et du dioxyde de carbone. En résumé, sans levures, votre bière ne serait qu’un jus de céréales plat et sucré. Faut aimer, quoi.
Voilà pour le rôle le plus évident de ces petits champignons en brasserie. Mais certains d’entre eux ont également un autre impact, parfois important, sur la bière. Nous verrons dans un instant quelles sont les différentes levures utilisées lors du brassage, mais sachez que certaines d’entre elles apportent toute une palette aromatique dans la recette. Pensez aux bières belges, par exemple, qui révèlent à la dégustation des arômes fruités, type banane, pomme ou poire, et épicés, proches du clou de girofle. La bière de style saison, elle, est bien connue pour son odeur de poivre noir. Tout ça, grâce aux levures ! Mais toutes n’ont pas cet impact aromatique, de même qu’elles ne fonctionnent pas de la même façon.
Les différents types de levures de bière
Différentes levures sont en effet utilisées en brasserie. On distingue ainsi celles de fermentation haute (qui donnent les bières “ale”) et celles de fermentation basse (qui donnent les “lager”), selon les températures auxquelles elles réagissent le mieux (par un heureux hasard, les levures ale ont également tendance à travailler en haut du fermenteur, les lager plutôt en bas). Elles font partie du genre Saccharomyces et en général, les brasseries travaillent avec des souches “pures”, contenant un seul type de levure qui a été isolé et cultivé par un levurier. Oui, c’est ainsi que l’on appelle les entreprises qui font ça ! Certaines brasseries font également elles-mêmes ce travail de sélection et ont isolé une levure qu’elles sont les seules à utiliser, et qui est devenue leur marque de fabrique.
Mais à l’origine, et avant d’être éventuellement cultivées, toutes les levures sont sauvages, ce qui explique pourquoi on faisait de la bière bien avant les découvertes de Louis Pasteur. Il existe également plusieurs styles de bières dont le procédé de fabrication consiste à mettre à profit les levures sauvages lors de la fermentation, qu’elles agissent seules ou en association avec une souche cultivée (on parle alors de fermentation mixte). Fabriquer une bière de style lambic, par exemple, consiste à laisser le moût refroidir à l’air libre afin que les levures présentes dans la brasserie l’ensemencent naturellement. De quoi remettre un peu de terroir dans un produit qui a tendance à en manquer un peu…
Oh, et pour répondre à la question que vous vous posez depuis deux paragraphes : ce sont les levures “ale” qui donnent des arômes aux bières (les levures sauvages peuvent également en donner). Cette Saccharomyces cerevisiae a d’ailleurs plus d’un tour dans son sac, car figurez-vous que c’est exactement la même qui est utilisée par les boulangers pour fabriquer le pain, ainsi que celle que vous retrouvez dans vos gélules pour la pousse des cheveux. La levure a vraiment d’incroyables talents…
Y a-t-il de la levure dans les bières sans alcool ?
Après tout, si on ne veut pas d’alcool dans une bière, autant ne pas y mettre de levure, non ? Sauf que c’est un peu plus compliqué que ça, car selon la législation française, une bière doit obligatoirement contenir de la levure (ainsi que de l’eau, des céréales et du houblon). Sans levures, vous boiriez juste la fameuse infusion de céréales houblonnée dont on parlait plus tôt. Les bières sans alcool contiennent donc de la levure.
Tout l’art de la fabrication consistera donc à retirer l’alcool créé par la fermentation (par divers procédés comme la filtration ou la distillation), voire à ne pas créer d’alcool du tout. On peut donc travailler avec un moût peu chargé en sucres, ou bien sélectionner une souche de levure un peu fainéante, qui s’arrêtera de travailler avant de créer de l’éthanol. Si même les levures font grève, on aurait tort de ne pas en profiter.
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Article rédigé par Hélène et les Houblons pour Le Petit Ballon.